


Baleine dans le ciel

Ce serait beau des baleines dans le ciel.
Un grand ciel bleu c'est insuffisant,
On croirait aux rayons des grands magasins.
Un grand ciel bleu c'est surtout un grand ciel vide.
Et la terre peau seche d'un ciel détapissé.
Les queues des baleines brassent l'air,
Un jus si fin qu'il n'est plus que du vent,
Un vent iodé et des cendres de coquillages,
Les frictions brûlent les coquillages.
On regardait le soleil, les jours d'éclipses,
Avec les lunettes noirs en papier achetées à la pharmacie.
Moi j'avais fabriqué les miennes avec des pellicules d'appareil photo
Je regardais le soleil et je voyais en négatifs,
Si je ne me trompe pas, il s'agissait de nous, autour de la table, un anniversaire.
Je regardais dans la lumière et je voyais le passé.
Mon père, il m'a interdit de les utiliser, ça me brûlerait les yeux.
On regardait le soleil, près de la caravane, en haut du camping, là où la vue est dégagée.
L'ombre de ma mère qui réajustait nos lunettes,
Ça nous brûlerait,
Les éclipses sentaient la crème pour les mains.
Tout s'est vidé dans un siphon, à mesure,
Le chant des oiseaux, nous et l'oxygène,
Les lèvres noires aimantées nous dispersaient en particules.
Nous étions étirés sur des milliards de kilomètres,
On pouvait regarder le soleil, le soleil détruit.
Il nous était permis l'infiniment grand.
Dans ma baignoire, je vidais mon bain,
J'avais tiré sur la chaînette du bouchon
J'observais le tourbillon aspirer ma crasse, mes navires imaginaires,
Les marins terrifiés disparaissaient
Je n'avais pas la moindre idée d'où,
Je les oubliais, je me souviens.
Je voudrais me promener au milieu des baleines qui dorment à la verticales
Je grimperai leur peau lisse et je glisserai sans cesse sur les statues de marbres.
J'aimerais des grands vers aspirant l'horizon comme des spaghettis
Ainsi la terre pourrait s'écouler dans le ciel,
Je me mêlerais au sable et il me serait permis le ciel.
Je voudrais des fins palpables que je pourrais détruire,
Passer outre et je comprendrai,
Ensuite je suis sûr que je reconstruirais des murs,
Car dans l'infini je serai infini
Car dans l'infini je ne serai rien
Car dans l'infini je n'aurai pas de place
Car la pire des limites est l'infini.
Dans le ciel je serai plancton
Je serai plancton et les baleines ouvrirait grand leur gueules pour m'avaler.
Ce serait beau des baleines dans le ciel et moi qui voyagerait dans le ventre des baleines.
Je voguerai, particule dans le roulis de l'aube.
Par leur évent la lumière entrera en cylindre
Je la scinderai de ma main et la poussière dansera dans le sirop.
C'est sûr, ce serait beau.
Je pense ça, je marche, il fait doux et bleu et parfumé,
et le ciel est tout rond, ainsi qu' un ventre repu.
