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Boa, grès émaillé

Boa 

Le jour étreint la nuit.

La lune, je la verrai croître et décroître.

Un jour, ma mère a arrêté de se teindre les cheveux,
un magma blanc a jailli de son cuir chevelu
et a coulé sur sa nuque tandis que le noir des anciennes teintures s'évaporait mystérieusement
à mesure de ses passages dans la salle de bain.

C'était soudain, elle avait lâché les freins, elle dévalait la pente.
Il était plus tard.

Quant à mon père, les soupirs qu'il poussait depuis toujours
s'étaient étoffés d'une nouvelle modulation.

Quand il se baissait ça sonnait plus vrai,
quand il se plaignait ça sonnait plus ancré et indéracinable.
Il n'y avait rien à faire.
Ils étaient une crête du contraste.

Tel qu'on regarde le temps qu'il fera,
ma petite nièce levait la tête pour les voir,
elle les fixait sans comprendre, cet âge ne détourne pas les yeux.

Nous, l'on continuait, nous étions réunis chez eux, dans ma maison d'enfance.
Ils avaient l'air surpris de nous voir, abattus sur leurs retraites.

Je nous voyais et j'entendais les volées d'étourneaux
qui bruissaient dans le saule au fond du jardin.

Nous étions les enfants, les enfants des enfants...
Nous picorions les graines semées à la volée des jours.

Le rouage silencieux du temps encore bien huilé.

C'était renversant.
Le silence et les chaises étaient renversés.

À nous tous, vie concentrée, pulsar d'existence.
Et le quartier entier vibrait de nos secousses.

Boa,

le jour éteint la nuit.

Saule, grès émaillé

© Lalo Atelier, Paris/Montreuil

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